Mai 2010.
« Je suis là parce qu'elle à 17 ans, qu'elle est belle, rieuse, amoureuse.
Je suis là parce qu'elle est un peu rêveuse, qu'elle n'a pas su lui dire non quand il a insisté un petit peu, parce qu'elle en avait envie surement et que ce n'était pas le bon moment.
Elle est enceinte et veut se faire avorter.
Il lui faut un adulte avec elle, c'est à moi qu'elle a pensé.
Je suis là parce qu'elle n'a pas eu peur de regarder la vérité en face, parce qu'elle sait compter et que heureusement elle n'a pas laisser passer les délais.
Elle s'est même plutôt bougée !
Elle a supporté d'attendre les deux fois qu'ils lui ont imposées histoire de savoir si vraiment elle n'avait pas envie de le garder !
Malade à crever de cette grossesse et surtout terrifiée.
De rendez-vous en papier, d'attestation en échographie, elle peut encore se faire avorter avec des médicaments. C'est moins intrusif m'assure-t'elle fièrement...
Il y a eu les rendez-vous avec le bon intervalle et enfin les deux cachets avalés debout dans le couloir de la maternité devant une infirmière franchement coincée avant hier.
Elle a été déjà un peu soulagée.
Alors ce matin nous y sommes allées, main dans la main, pas très fière ni elle ni moi il faut bien l'avouer.
Une autre infirmière toute jeune nous a accueillies.
Elle lui a donné du « Madame » à chaque phrase, de sa toute haute autorité de soignante, tenant dans sa main son avenir.
Et elle ne lui a rien expliqué. Juste dit qu'il fallait patienter, dans la salle d'attente sur une chaise dans ce matin gris et pluvieux. J'ai pris une chaise à côté d'elle et nous avons attendu.
Que la douleur arrive, qu'elle vomisse deux fois son avenir en cachet.
Point de sonnette pour avertir, je me suis levée plein de colère et j'ai demandé quelque chose pour sa douleur, une couverture et de quoi s'allonger.
Il n'y avait pas de chambre disponible, mais un brancard et puis un antidouleur en cachet.
Les heures ont passé. Les toilettes étaient au fond du couloir, alors en sang il a fallu y aller, plusieurs fois, pas très vaillante sur ses jambes, entre deux nausées.
Nous n'avons revu personne avant la fin de matinée. Elle s'est assoupie roulée en boule sous une couverture, moi contemplant la pluie par la fenêtre.
Vers onze heures, la porte s'est ouverte en grand, une autre infirmière lui a notifié que l'échographie était en bas et qu'on l'attendait, qu'elle n'oublie pas de prendre son dossier et que c'est en bas aussi qu'elle pourrait payer, plutôt avec un chéquier.
Le gynécologue l'a auscultée, lui a fait passer une échographie pour lui confirmer que le cauchemar était terminé, il lui a fait une ordonnance pour une seule plaquette de pilule, et un médicament qui malheureusement n'est pas disponible en ce moment.
Le médecin a cru bon de lui dire « que ce serait bien que çà ne se reproduise pas ». Non, tu crois ?
Elle a fait son chèque et nous nous sommes retrouvées sur le parking, elle lessivée mais tellement soulagée. »
Dans voiture en la ramenant chez elle, elle m'avait demandé :
« - Heu t'écris toujours sur ton blog, parce que là t'as du lourd, hein, à raconter ?»
« - Je n'écrirai rien, c'est ton histoire pas la mienne. C'est à toi de le dire, ou de témoigner »
« - Ouais, mais je m'en fous de toute manière, ya rien à raconter... »
Et je l'ai revue il y a quelques jours, nous en avons un peu reparler.
Et elle m'a demandé d'écrire un papier.
«- parce que j'ai du mal à ne pas y repenser, c'était vraiment dégueulasse, non, la manière dont çà c'est passé?...».
Oh oui, ma chérie... et tu n'as absolument rien à regretter.
En France l'avortement est un droit des femmes de décider de leur vie, de leur avenir.
Aujourd'hui, les conditions dans lesquelles les femmes qui ont décidé de se faire avorter sont accueillies et accompagnées, ne sont pas respectueuses de leur choix.
Dans 10 ans, face à la poussée naturaliste ambiante, aurons-nous ne serait-ce qu'encore le choix ?
Pour nos filles, pour nous, il est temps de faire entendre nos voix.